Hélène CARON : Interview



L’égalité entre les femmes et les hommes : comment passer de la théorie à la pratique, et du national au local ? Réponses avec Hélène CARON, Directrice régionale aux droits des femmes et à l’égalité en région Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Egalab : Quels sont les enjeux en matière de lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes ?

Hélène CARON : La question fondamentale reste le passage de l’égalité de droit à l’égalité réelle : l’égalité entre les femmes et les hommes est affirmée en droit et de nombreux progrès législatifs et réglementaires sont constatés. Toutefois, la question de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes peine à se concrétiser dans les faits, et ce dans tous les domaines : violences faites aux femmes, égalité salariale, mixité des métiers, accès aux responsabilités politiques, partage des tâches familiales…

La crise sanitaire a encore exacerbé ces inégalités. La question de l’égalité réelle reste au cœur des enjeux de l’ensemble de nos politiques publiques, dans toutes leurs dimensions. Agir pour rendre effectifs les droits des femmes constitue un projet de société qui nécessite une mobilisation permanente.


Egalab : Quel est le rôle de la Direction régionale aux droits des femmes et à l’égalité dans le combat contre les inégalités entre les femmes et les hommes ?

Hélène CARON : Le Président de la République a déclaré le 25 novembre 2017 l’égalité entre les femmes et les hommes « grande cause du quinquennat ». Le 8 mars 2018, le Comité Interministériel pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes a présenté quatre mesures clés pour atteindre l’égalité entre les femmes et les hommes :

  • transmettre et diffuser la culture de l’égalité ;
  • agir pour l’égalité professionnelle tout au long de la vie ;
  • faire vivre l’égalité au quotidien en garantissant l’accès aux droits ;
  • et mettre en place un service public exemplaire en France et à l’international.

Au niveau national, cette politique est portée par l’ensemble du gouvernement. Chaque ministre met en œuvre une feuille de route. La ministre en charge de l’égalité entre les femmes et les hommes inscrit son action dans un périmètre interministériel, marqué par les engagements de chaque ministère autour de trois axes d’intervention prioritaires :

  • prévenir et lutter contre les violences sexistes et sexuelles ;
  • mettre en œuvre l’accès aux droits sociaux et l’égalité professionnelle ;
  • déconstruire les stéréotypes et transmettre une culture de l’égalité.

Toutes les institutions publiques sont donc parties prenantes de cette politique. Elle s’inscrit dans une action interministérielle et partenariale, construite avec les organismes publics et les collectivités territoriales, les entreprises, les syndicats et le secteur associatif, aux niveaux national – par le biais du service des droits des femmes et de l’égalité –, régional – à travers les directions régionales aux droits des femmes et à l’égalité – et départemental – par l’intermédiaire des délégués départementaux et déléguées départementales aux droits des femmes.


Egalab : Pourriez-vous détailler la déclinaison régionale de cette politique nationale de lutte contre les inégalités de genre ?

Hélène CARON : La déclinaison de la politique égalité concerne l’ensemble des services déconcentrés de l’État représentant l’ensemble des Ministères (intérieur, justice, santé, cohésion sociale, logement, éducation, culture, sport...), les collectivités territoriales et l’ensemble des acteurs de la société civile, avec une forte contribution des associations qui mettent en œuvre les actions auprès des femmes.
La Direction régionale aux droits des femmes assure le pilotage et la coordination au niveau régional, et les délégués départementaux et déléguées départementales le déploiement et la coordination des actions au niveau local, ainsi que la remontée des besoins.

En Provence-Alpes-Côte d’Azur, le diagnostic territorial met en évidence plusieurs constats : des problématiques fortes de violences conjugales ; un marché immobilier très tendu qui rend difficile l’hébergement et le logement des femmes les plus fragiles ; une concentration de la pauvreté à la fois dans certains quartiers métropolitains et dans les secteurs ruraux isolés ; des difficultés des mono-parents, dont 85 % sont des femmes ; des dynamiques migratoires fortes, principalement à Nice et Marseille, avec des réseaux de prostitution organisée et des forts besoins d’hébergement, ou encore des taux d’IVG élevés alertant sur le besoin de renforcer la prévention.

Ces constats permettent d’adapter le plan d’action autour des trois grands axes de la feuille de route régionale :
1. renforcer les partenariats, en lien avec les territoires ;
2. mieux accompagner les femmes en situation de vulnérabilité ;
3. développer la prévention.


Egalab : Avez-vous des résultats de ce plan d’actions à partager avec Egalab ?

Hélène CARON : Concernant le premier de ces trois axes, le nouveau Contrat d’avenir Etat Région intègre la question de l’égalité et a développé un volet égalité professionnelle qui se décline chaque année par un appel à projet conjoint. De même, un travail partenarial est mené pour développer des réponses adaptées pour lever les freins afin de rendre possible le retour à l’emploi des femmes, en développant par exemple des propositions de garde d’enfants adaptées, et d’autres solutions opérationnelles.

En lien avec le deuxième objectif, mieux accompagner les femmes en situation de vulnérabilité, l’engagement de l’Olympique de Marseille, qui a mis à disposition pendant le premier confinement des locaux, et le partenariat entre la déléguée départementale aux droits des femmes, la DDCS 13, l’association Solidarité Femmes 13, le CDIFF Phocéen ont permis de concrétiser un projet d’Unité d’hébergement d’urgence (UHU) des femmes victimes de violences avec leurs enfants. Cette expérience a permis de développer un projet d’hébergement d’urgence plus pérenne sur un autre site. Par ailleurs, un projet multipartenarial, tespastouteseule, a été mis en œuvre en 2020 par les 14 principales associations accompagnant les femmes victimes de violences et par leurs deux fédérations régionales, avec l’appui de la DR et des DD.

Enfin, pour développer la prévention, la Fédération régionale des plannings familiaux, avec le soutien de l’État et des collectivités, a réalisé un diagnostic à l’échelle régionale et un plan d’action stratégique pour coordonner les actions portées par les 5 plannings familiaux de la région et développer des actions communes. Pour sa part, Osons l’égalité, un réseau des acteurs de la sensibilisation des jeunes, a vu le jour dans les Bouches-du-Rhône : coanimé par la DRDFE et l’association Les petits débrouillards, il réunit rectorat, université, chercheurs, associations, collectivités, troupes de théâtre, etc. et permet des échanges d’expérience, le partage d’outils ou la mise en visibilité de ses différents membres, et organise collectivement un colloque annuel à l’attention de toutes les personnes intéressées par la sensibilisation des jeunes.


Egalab : Avez-vous d’autres éléments à partager avec nous en guise de conclusion ?

Hélène CARON : La construction d’une politique d’égalité ne s’inscrit pas dans une démarche linéaire de progrès. On le voit en période de crise comme celle que nous vivons actuellement : il existe un risque important de recul vis-à-vis des progrès obtenus. Une telle politique s’inscrit dans un cadre législatif et réglementaire qui s’élargit progressivement, en affirme les principes universels et en fixe le cadre et les obligations ; mais elle nécessite une attention permanente, un engagement très important des différentes parties prenantes, un travail de sensibilisation et de formation qu’il faut sans cesse renouveler. La coordination et la mise en synergie des acteurs institutionnels et de la société civile, avec une co-construction des actions de terrain est la condition de son efficacité. Le rôle des associations dans sa mise en œuvre est tout à fait déterminant.

Propos recueillis par Egalab

Hélène CARON,
Directrice régionale aux droits des femmes et à l’égalité en Provence-Alpes-Côte d’Azur.