Marion VAQUERO : Interview



En 2018, Marion VAQUERO a lancé sur Twitter le compte @PepiteSexiste. Son but ? Recenser et dénoncer les publicités sexistes françaises.

Egalab : Pourquoi avez-vous créé le compte Pépite Sexiste ?

Marion VAQUERO : J’ai créé Pépite Sexiste dans le but de sensibiliser au sexisme et aux stéréotypes diffusés par le marketing (publicités, descriptions produits, taxes roses… ).

Pépite Sexiste a 3 objectifs principaux :
- Rassembler une communauté sur les réseaux sociaux.
- Interpeller les marques concernées par les “pépites sexistes”.
- Sensibiliser les personnes qui suivent Pépite Sexiste, ainsi que celles qui tombent par hasard sur le compte, en montrant cette accumulation de stéréotypes que peut diffuser le marketing.

Le compte sert de plateforme entre les consommateurs et consommatrices et les marques : on nous envoie les “pépites sexistes” et nous les partageons sur les réseaux sociaux en interpellant les marques concernées. Lorsqu'une marque répond, nous partageons sa réponse ce qui permet également un suivi et un échange entre les consommateurs et consommatrices et les marques.


Egalab : Quels sont les impacts du marketing genré, en particulier chez les enfants ?

Marion VAQUERO : Le marketing genré divise femmes et hommes en deux groupes dichotomiques dont les goûts, compétences et qualités seraient différentes. Cette segmentation genrée se base sur des stéréotypes de genre et contribue à les amplifier et à les normaliser.

Un exemple concret est le marketing genré des jouets :
Les jouets “pour filles” font souvent référence à la beauté, l’apparence, le rose, la maternité (poupons), l’intérieur (jeux d’imitation comme la dinette, les mini-balais…);
Les jouets “pour garçons” sont, eux, souvent des jeux scientifiques, d’action, d’aventure et d'extérieur.

Le marketing genré va donc apprendre aux enfants que les femmes et les hommes n’ont pas les mêmes centres d’intérêts et, par conséquent, ne possèdent pas les mêmes compétences et qualités : certaines, comme l’empathie ou la douceur, sont féminines et d’autres, comme le courage et la force, sont masculines.


Egalab : A votre avis, est-ce que le marketing genré a un impact dans les choix d'orientation professionnelle des jeunes filles ?

Marion VAQUERO : Le marketing genré normalise les stéréotypes de genre et contribue donc à créer des biais, notamment chez les enfants. Ces biais sur les rôles, compétences et qualités des femmes et des hommes vont être assimilés par les enfants qui vont ainsi les intégrer et les reproduire. Cette assimilation des stéréotypes se caractérise de différentes façons, et notamment par le phénomène de “menace du stéréotype” : une étude a montré que les filles réussissent mieux un exercice de géométrie si celui-ci est présenté comme un exercice de dessin.

Le marketing genré a donc un impact dans les choix d’orientation des filles et des garçons : les filles, moins encouragées à se tourner vers les sciences, vont assimiler le fait que ce n’est pas un domaine pour elles et vont donc s’orienter vers des cursus scolaires qui correspondent à ce qu’elles pensent être plus adapté à leur genre.

Les filles auront tendance à s’orienter vers des cursus scolaires littéraires quand les garçons seront majoritaires dans les cursus scientifiques et ces choix d’orientation scolaire et professionnelle genrés ne sont pas dus à des différences biologiques entre filles et garçons mais à une socialisation genrée apprise tout au long de la vie via notre environnement, dont le marketing fait partie intégrante.


Egalab : Avez-vous remarqué des évolutions dans le marketing de certaines marques ? (après votre intervention sur les réseaux sociaux, ou plus globalement dans le monde de la publicité)

Marion VAQUERO : Depuis la création de Pépite Sexiste, en mars 2018, nous avons eu énormément de réponses de marques dont la grande majorité sont des retours positifs : excuses, voire retrait ou modification de la “pépite sexiste”.

On observe une prise de conscience de la part des marques quant à leur rôle dans la diffusion et la déconstruction des stéréotypes de genre. Cette prise de conscience se traduit notamment par des publicités plus inclusives et des gammes de produits non genrées.

Un charte pour plus de mixité dans les jouets, co-rédigée par des associations et notamment Pépite Sexiste, a été signée par l’industrie du jouet, fabricants et distributeurs, qui s’engagent ainsi à lutter contre les stéréotypes de genre et le marketing genré des jouets.

L’évolution des comportements des consommateurs va certainement être une source de motivation grandissante pour des changements de stratégies marketing. L’argument n’est plus seulement éthique, il est également financier car les nouvelles générations rejettent la rigidité de la binarité des genres et sont connues pour être plus fluides : selon une enquête de 20 Minutes et Opinion Way, 13% des jeunes entre 18 et 30 ans ne se considèrent ni homme ni femme mais non-binaires ou “gender-fluid”. Les nouvelles générations valorisent les marques qui ne segmentent pas les produits par genre et attendent des engagements concrets de leur part en ce qui concerne les sujets sociétaux comme l’égalité femmes-hommes et l’environnement.


Marion VAQUERO
Fondatrice
Pépite Sexiste