Filles et garçons : orientation, même combat !



L’orientation des jeunes filles et garçons est bien souvent un casse-tête. A la question « Quel métier veux-tu faire quand tu seras plus grand.e ? » les enfants ont bien souvent des idées de métiers « classiques » que l’on retrouve dans les livres et les films, mais qu’en est-il concrètement ? Quelles différences peut-on observer entre les choix des filles et des garçons ?


En France, le système éducatif et l’enseignement des filles et des garçons sont considérés comme identiques, mais qu’en est-il réellement ? On s’aperçoit que, malgré le fait que les filles réussissent mieux à l’école (en termes de durée moyenne des études, de niveau moyen des diplômes, de taux de réussite aux examens), elles sont bien souvent sous-représentées dans les filières prestigieuses et porteuses d’emploi. En termes de trajectoire professionnelle également, les femmes rencontrent plus de difficultés : elles sont plus souvent confrontées au chômage, aux emplois précaires, au temps partiel contraint et souvent moins bien rémunérées. Comment expliquer ce phénomène ? Pourquoi ces inégalités persistent-elles et comment favoriser une véritable éducation à l’égalité ?


L’orientation scolaire des filles et des garçons

Réfléchir à son projet professionnel, apprendre à mieux se connaître, choisir une formation et un secteur d’activité, autant de questions auxquelles il n’est pas toujours évident de répondre. Entre les conseiller.ères d’orientation, les journées portes ouvertes et les choix à faire sur Parcoursup, trouver les bonnes informations relatives à l’orientation professionnelle n’est pas toujours facile.

Selon une étude du Ministère de l’Education nationale et de la Jeunesse de 2020 « Filles et garçons sur le chemin de l’égalité de l’école à l’enseignement supérieur », les filles sont scolarisées plus longtemps que les garçons, en moyenne 18,8 années pour les filles contre 18,3 années pour les garçons (en moyenne à 23 ans, 26 % des garçons sont scolarisés, contre 30 % chez les filles).

À la fin du collège, les filles s’orientent davantage vers l’enseignement général et technologique et dans ce cas-là, les filles font plus des choix d’enseignements littéraires et les garçons d’enseignements scientifiques ou technologiques. 30,8 % des filles scolarisées en 2016 en seconde générale et technologique ont intégré une première S en 2017, alors que c’est le cas de 38,8 % des garçons. Ces orientations se reflètent toujours après la réforme du baccalauréat : les enseignements scientifiques (sauf SVT) ont plus souvent été choisis par les garçons que par les filles. À l’inverse, les enseignements d’humanités, de sciences économiques et sociales, d’histoire-géographie et de langues-littérature sont plus choisis par les filles.

Cette différence de choix de matières se retrouve également à l’université, car en 2017, 75 % des titulaires d’une licence générale en « Lettres-langues-sciences humaines » sont des femmes. Elles représentent 60 % des diplômés d’un doctorat de la même discipline.


Les différences en termes de performance scolaire

Selon les recherches de Marie Gaussel « L’éducation des filles et des garçons : paradoxes et inégalités » réalisés en 2016, l’école, par ses missions actuelles, n’est pas un simple lieu de transmission des savoirs, c’est aussi un lieu mixte d’interaction entre les sexes. Bien souvent, l’école influence les comportements pour devenir une femme ou un homme en fonction des représentations que notre société se fait de ces rôles. On parle de « curriculum caché », il s’agit des notions et des comportements que les enfants intègrent sans que cela fasse partie d’un projet pédagogique explicite.

Aujourd’hui, il existe encore des écarts importants entre les filles et les garçons en termes de résultats scolaires, d’orientation et de rapport à la culture. Les filles obtiennent globalement de meilleurs résultats et semblent mieux s’adapter au climat scolaire en se conformant plus facilement aux attentes de l’institution. De manière générale, les filles sont plus représentées parmi les titulaires de diplômes généraux alors que les garçons plus présents parmi les titulaires de diplômes professionnels.

Selon l’étude du Ministère de l’Education nationale et de la Jeunesse citée ci-dessus, le taux de réussite au brevet est meilleur pour les filles, en 2018, 91 % des filles et 85 % des garçons l’ont obtenu. Il en est de même pour le taux de réussite au baccalauréat en 2018, 92 % des filles et 89 % des garçons qui se sont présentés au baccalauréat général l’ont obtenu.


La mixité scolaire

Les stéréotypes de sexe se mettent en place dès le plus jeune âge et influent sur la manière dont les filles et garçons les construisent au fil des ans leur identité, leur scolarité et également leur orientation professionnelle.

Le laboratoire de l’égalité a réalisé une plaquette de présentation des principaux stéréotypes, c’est-à-dire « des croyances largement partagées sur ce que sont et ne sont pas les filles et les garçons, les femmes et les hommes », ainsi qu’une clé de décryptage sur leur fabrication : les discriminations (durant les cours de mathématiques, les professeurs sollicitent plus souvent les garçons que les filles) contribuent aux inégalités (les filles ont moins souvent l’occasion de s’exprimer et de tester leurs connaissances) qui renforcent les stéréotypes (« Les garçons sont plus doués en maths ») qui outillent les discriminations.

La question du rôle des parents ou leur représentant.e est également cruciale dans l’éducation à la mixité scolaire. Faire participer les parents à cet objectif permet d’avoir une approche globale de l’élève dans son environnement. Leur participation à l’action éducative peut être déterminante dans l’épanouissement des élèves en matière de choix professionnel. Plusieurs travaux ont montré combien la famille, les médias, l’environnement social dans son ensemble et donc l’école participent à la construction et la reproduction des normes et des rôles des sexes, parce qu’ils sont eux-mêmes imprégnés et façonnés par la séparation des rôles et des compétences selon le sexe biologique.


Qu’en est-il de l’insertion professionnelle ?

Les différents choix d’orientation professionnelle entre les filles et les garçons se retrouvent par la suite selon les secteurs d’activité. La non-mixité qui existe dès le plus jeune âge, expliquerait les inégalités entre femmes et hommes au travail, en politique et à la maison.

Comme nous venons de le voir, les filles ont en général de meilleures notes que les garçons et à la sortie du système éducatif, les femmes sont plus diplômées. L’école, confortée par les stéréotypes, encourage peu les garçons à s’orienter vers les écoles d’infirmiers et les filles vers les écoles d’ingénieurs, par exemple. Aujourd’hui, les femmes ne représentent que 7 % des pilotes de ligne professionnels. Les modes de transmission, les valeurs, les comportements transmis à l’école participent à l’orientation des jeunes filles au cours de leur scolarité et plus tard sur le marché de l’emploi.

Or, nous observons aujourd’hui que les filles ont tendance à s’orienter vers des filières moins valorisées socialement et économiquement sur le marché du travail. Elles sont également en première ligne des métiers dits « essentiels » pendant la crise sanitaire Covid-19, comme nous pouvons l’observer sur le graphique de France Stratégie dans sa note d’avril 2020 « Les métiers au temps du corona ».

Pendant la crise sanitaire du Covid-19, ce sont les femmes qui ont été en première ligne. Selon un article du Monde du 8 mai 2020, les emplois les plus impactés sont des métiers dits « féminins » dont la proportion de femmes et importantes : les soignantes (87 % d’infirmières, 91 % d’aides-soignantes), les caissières de l’alimentation (76 %), les auxiliaires de vie en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ou à domicile (97 %), les préparatrices en pharmacie (90 %) et les enseignantes (71 %). La crise sanitaire a mis en lumière l'importance des femmes dans les métiers du soin et de la vente, essentiels durant les huit semaines de confinement.

Ces métiers sont généralement moins rémunérateurs, avec une faible perspective d’évolution. Les femmes ont globalement moins de postes à responsabilité que les hommes, et sont plus sujettes aux emplois précaires et au temps partiel contraint.

A l’instar du Québec, l’idée est de rendre obligatoire, à l’échelle de l’entreprise, la comparaison d’emplois à prédominance féminine et masculine, en analysant le contenu du travail effectué, ses responsabilités, sa technicité et ses conditions de travail, par l’intermédiaire d’une commission d’évaluation paritaire, dans le cadre de la négociation des accords égalité professionnelle qui devront intégrer cette dimension et, si le compte n’y est pas, de revaloriser les emplois à prédominance féminine.

Selon la convention interministérielle pour l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans le système éducatif 2019 – 2024, plusieurs recommandations sont proposées :

  • piloter la politique d’égalité au plus près des élèves et des étudiantes et étudiants (renforcer le pilotage local de la politique d’égalité, développer une approche intégrée de l’égalité femmes-hommes au sein du système éducatif, intensifier la politique partenariale avec les acteurs de la société civile)
  • former l’ensemble des personnels à l’égalité (sensibiliser massivement la communauté éducative aux enjeux de l’égalité de genre, former les professionnels à l’égalité : enjeux pédagogique, éducatif et de pilotage, enrichir les modalités et les supports de formation)
  • transmettre aux jeunes une culture de l’égalité et du respect mutuel (déconstruire les stéréotypes liés au sexe et à la sexualité, s’appuyer sur l’éducation à la citoyenneté et sur l’engagement des élèves pour promouvoir l’égalité, faire de l’environnement scolaire et universitaire un espace de confiance pour chacun et chacune
  • lutter contre les violences sexistes et sexuelles (améliorer le diagnostic : objectiver la réalité des violences sexistes et sexuelles en milieu scolaire et dans l’enseignement supérieur, combattre la banalisation du sexisme en affichant une « tolérance zéro » dans les établissements, lutter contre le harcèlement et les violences sexistes en ligne)
  • s’orienter vers une plus grande mixité des filières de formation (faire évoluer la représentation des métiers et favoriser leur découverte, fixer des objectifs pour une plus grande mixité des filières de formation et d’emploi, articuler politique de climat scolaire et mixité dans les établissements.

En région Provence-Alpes-Côte d’Azur, de nombreux acteurs associatifs et publics se mettent à disposition des écoles pour les aider dans la mise en œuvre de ces recommandations. C’est le cas par exemple de la plateforme Osez l’Egalité qui est un réseau permettant de trouver des intervenant·es en matière de sensibilisation à l’égalité. La Direction Régionale aux Droits des Femmes et à l’Egalité de Provence-Alpes-Côte d’Azur a souhaité créer un lieu de rencontre et d’échanges des différents acteurs et actrices de la sensibilisation des jeunes (Education nationale, associations et acteurs socio-éducatifs et culturels œuvrant pour la sensibilisation des jeunes…).