La représentation des femmes dans les médias



Pourquoi les médias sont-ils des acteurs clés dans la lutte contre les stéréotypes de genre ? Comment parvenir à plus d’égalité sur le devant de la scène médiatique ?


La publicité et les femmes – Quelle évolution ?

Vers l’égalité réelle entre les femmes et les hommes (l’essentiel des chiffres clés - Édition 2020) indique que dans l’audiovisuel, les femmes à l’antenne sont plus présentes mais encore minoritaires. Elles représentent 41 % des personnes présentes à l’antenne - télévision et radio (dont 50% de présentatrices, 38 % d’expertes et seulement 33 % d’invitées politiques).

Pour la presse écrite, les femmes sont encore minoritaires aux postes de rédactrices en chef. En 2018, 49 % de femmes sont détentrices de la carte de presse et 39 % sont détentrices de la carte de presse rédactrices en chef. Par ailleurs, l’état des lieux des inégalités hommes/femmes dans les médias à travers le monde permet de constater les nombreux progrès qu’il reste à faire dans ce domaine.

Discréditées sur la scène médiatique, les femmes sont trop peu à s’exprimer en tant qu’expertes, un phénomène amplifié par la Covid-19. L’étude du CSA met en évidence une baisse du temps de parole des femmes pendant la période de confinement s’étendant du 17 mars au 11 mai 2020. Elles sont aussi souvent interrompues par des hommes lorsqu’elles prennent la parole en plateau (phénomène du « manterrupting ») ou encore reléguées à certains domaines comme l’éducation ou le social et généralement présentées dans une posture passive. Ce n’est guère mieux dans les salles de rédaction : elles sont freinées dans leur carrière où certains métiers restent encore majoritairement réservés aux hommes comme celui de reporter, et se heurtent au plafond de verre lorsqu’elles souhaitent monter dans la hiérarchie.

Les stéréotypes de genre sont au cœur de ce problème car ils transmettent notamment aux plus jeunes l’image d’une société genrée. On a pu distinguer plusieurs modèles de la femme vue par les publicitaires entre 1960 et 2000 :

  • 1960’s : La ménagère. Une femme n’est accomplie que dans sa maison. La fierté de la femme s’exprime par la propreté de son logis.
  • 1970’s : La militante. Avec la libération de la femme en mai 68, dorénavant elle se bat pour disposer de son corps et avoir des droits.
  • 1980’s : La superwoman : la femme ayant obtenu ses droits, veut montrer ses compétences professionnelles et sa capacité à être sur tous les fronts.
  • 1990’s : Recherche d’équilibre. Les femmes aspirent moins à être les premières partout, elles aspirent plutôt à un équilibre viable.
  • 2000’s : La femme sexy et féminine. C’est à partir de ces années-là, que l’on réussit à banaliser la sexualité et la violence dans les pubs. La femme est souvent montrée dénudée et glamour.

Le rôle des médias dans la prise de conscience des enjeux de l’égalité entre les femmes et les hommes

Les médias font plus qu’informer, diffuser des émissions ou de la publicité. Que ce soit au niveau de leur organisation ou des citoyens qui les composent, les médias reflètent nos sociétés, leur fonctionnement. Ils ont un rôle essentiel dans la démocratie et permettent notamment aux citoyens de s’exprimer.
Au-delà de ce rôle initial, les médias ont aussi une véritable influence sur les citoyens, positivement ou négativement. Ils conditionnent notre manière de percevoir la société, façonnent notre vision que l’on porte sur celle-ci et permettent la formation de nos catégories de jugement.
Il s’agit donc de travailler la question des représentations et des stéréotypes sexués dans les médias pour cheminer vers l’égalité réelle entre femmes et hommes, la mixité mais aussi la prévention des violences sexistes.

Selon l’étude du CSA citée ci-dessus « Tous les stéréotypes de genre véhiculés dans les publicités télévisées ne sont pas nécessairement dégradants » mais l’étude révèle que « nombre d’entre eux donnent à voir des femmes consommatrices plutôt qu’expertes, des femmes dont la présence se concentre dans certaines catégories de produits ayant trait à l’entretien du corps ou à l’habillement et à la parfumerie, mais également des femmes parfois réduites à l’état d’objet de désir, sans que le lien avec le produit promu soit toujours évident ».

Mettre fin aux représentations stéréotypées des femmes et des hommes dans les médias est un réel enjeu pour les jeunes générations qui s’identifient à des modèles pour grandir et se construire.
En tant qu’instances de représentation, les médias ont un rôle à jouer pour lutter contre ce type d’inégalités. Il y a un organe en particulier chargé de veiller à la bonne représentation des citoyens sur la scène médiatique : le CSA.


Le rôle du CSA pour veiller au respect des droits des femmes

L’article 3 de la loi Léotard, du nom du ministre de la culture qui l’a proposée, le 30 septembre 1986, crée la CNCL (Commission nationale de la communication et des libertés), remplacée en 1989 par le CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel).
Modifié par la loi n°2017-86, l’article stipule entre autres que le CSA “contribue aux actions en faveur de la cohésion sociale et à la lutte contre les discriminations dans le domaine de la communication audiovisuelle”.
En ce sens, un paragraphe est dédié à la question des femmes dans les médias audiovisuels :
“Il assure le respect des droits des femmes dans le domaine de la communication audiovisuelle. A cette fin, il veille, d’une part, à une juste représentation des femmes et des hommes dans les programmes des services de communication audiovisuelle et, d’autre part, à l’image des femmes qui apparaît dans ces programmes, notamment en luttant contre les stéréotypes, les préjugés sexistes, les images dégradantes, les violences faites aux femmes et les violences commises au sein des couples. Dans ce but, il porte une attention particulière aux programmes des services de communication audiovisuelle destinés à l’enfance et à la jeunesse.”
Loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (Loi Léotard)

Quelles mesures mettre en place pour plus d’égalité ? (Selon l’article de Youmatter)

Mesure n°1 : instaurer des formations à l’égalité
Les politiques de diversité sont généralement impulsées par les entreprises elles-mêmes. Elles pourraient être étendues plus massivement et considérées comme un véritable axe stratégique, mais on pourrait aussi imaginer l’instauration de ce type de formation dans les écoles de management et de journalisme pour une meilleure inclusion.

Mesure n°2 : promouvoir les femmes à des postes à responsabilité
Dans ce rapport de l’UNESCO datant de 2015, les journalistes suggèrent que le fait de compter sur plus de femmes dans les rôles décisionnels dans les médias, et à tous les échelons, constitue l’une des stratégies clés favorisant l’équité entre les genres dans les médias.

Mesure n°3 : mettre en place et appliquer des mesures disciplinaires en cas de débordement
Pour empêcher les situations comme on a pu le voir au sein de la rédaction sport de France Télé notamment, des sanctions doivent être appliquées envers les auteurs de remarques et blagues sexistes répétées, s’apparentant à du harcèlement moral dans certains cas.

Mesure n°4 : encourager la diversité de genre dans les salles de rédaction
C’est un enjeu essentiel dans la mesure où les recherches tendent à prouver qu’une même information n’est pas traitée de la même manière selon que la personne soit un homme ou une femme. Cela permettrait donc une couverture plus diversifiée des sujets. Cela passe par exemple par la sensibilisation avec des campagnes sur le journalisme éthique comme a pu le faire par le passé la FIJ (Fédération internationale des journalistes).

Mesure n°5 : définir des objectifs de progression chiffrés
Cette suggestion apparait notamment dans le rapport du CSA sur l’exercice 2019 relatif à la représentation des femmes à la télévision et à la radio. Chiffrer les objectifs à atteindre permettrait non seulement d’augmenter le nombre de femmes à l’antenne (expertes, invitées…), particulièrement aux heures de forte audience, mais aussi de veiller à la parité dans les équipes de production de programmes (réalisatrices, monteuses, compositrices…).

Mesure n°6 : offrir de meilleures conditions d’expression aux femmes
Au-delà de la prise en compte du temps de présence et de parole des femmes dans les médias, il s’agit aussi de veiller à ce qu’elles puissent s’exprimer dans de bonnes conditions. Cela signifie notamment de lutter contre le “manterrupting“, c’est-à-dire lorsque les femmes se font couper la parole par des hommes lorsqu’elles s’expriment, une “forme de censure insidieuse” comme le souligne cet article du Monde.

Mesure n°7 : développer des incitatifs pour favoriser l’égalité de genre
On peut envisager le déploiement de certains outils que pourraient employer les acteurs du secteur, avec le soutien de la puissance publique, pour valoriser les bonnes pratiques et faire progresser la représentation des femmes. La méthode des quotas est souvent évoquée mais aussi discutée, car cela signifierait que lors de la phase de recrutement, le sexe du candidat ou de la candidate primerait sur ses compétences.

Mesure n°8 : adopter le réflexe égalité
Pour des plateaux paritaires, Pauline Chabbert coordinatrice du projet “Expertes France” pour mettre en avant les femmes expertes dans les médias, propose le réflexe égalité : “Si demain, on veut qu’il y ait vraiment la parité sur les plateaux télé ou radio, il faut que chaque journaliste, chaque étudiant et étudiante journaliste, se crée un réflexe égalité, c’est-à-dire que de manière systématique, quand on organise une émission, on pense à avoir un panel qui est paritaire et mixte”.

Mesure n°9 : responsabiliser les hommes
Les hommes ont un rôle majeur pour favoriser l’égalité des sexes. C’est ce qu’explique Pierre-Yves Ginet, co-rédacteur en chef du magazine Femmes ici et ailleurs dans cette interview : “les hommes ont une responsabilité. Aujourd’hui, ce sont eux qui sont aux manettes donc la responsabilité est chez eux. Un chef d’entreprise, quel qu’il soit, qui affirme qu’il n’a pas trouvé de femme pour son conseil d’administration, c’est de l’incompétence“.

Mesure n°10 : appliquer en priorité des mesures fortes dans les médias les plus visibles
Pour réellement avoir un impact, il s’agit en priorité d’agir au sein des médias les plus visibles comme les chaînes principales de la télévision, à forte audience. Certains proposent aussi de créer des médias 100% féminins afin de marquer les esprits et faire entendre la voix des femmes. Dans tous les cas, c’est ensemble et en touchant un maximum de monde que l’on pourra véritablement faire bouger les lignes.